
L’administration Trump remet en question les principes du libre-échange en imposant des droits de douane à ses concurrents, et même à ses alliés, marquant ainsi un retour aux mesures protectionnistes. Le protectionnisme est une politique économique et commerciale désignant toutes les interventions de l’État sur le commerce extérieur d’un pays, allant de l’érection de barrières pour limiter les importations jusqu’à l’octroi de subventions aux exportateurs.
De ce fait, un gouvernement peut limiter les importations de produits étrangers de plusieurs façons, parmi lesquelles figurent les droits de douane. Un tarif douanier, ou droit de douane, est une taxe appliquée à un produit au moment de son importation, ayant pour effet de protéger les produits nationaux en rendant les importations moins compétitives.
Généralement, ces mesures visent des secteurs clés où le pays souhaite développer un avantage comparatif. Dans le modèle de l’offre et de la demande incluant un tarif, face aux pertes de marchés et d’emplois causées par l’entrée de marchandises étrangères, le gouvernement peut mettre en place des tarifs protectionnistes dans le but de limiter les dégâts (Bouret, R., 1999. Relations économiques internationales). En effet, l’administration Trump s’est distinguée par un retour marqué au protectionnisme, illustré par la révision d’accords commerciaux tels que l’ALENA, une rhétorique axée sur le patriotisme économique à travers le slogan America First, et surtout l’imposition de nouveaux tarifs douaniers.
Dans les lignes qui suivent, nous aborderons les rôles des droits de douane, leurs impacts potentiels sur Haïti, ainsi que quelques recommandations.
Les droits de douane occupent une place centrale dans la politique commerciale d’un pays.
Leurs effets peuvent être aussi bien positifs que négatifs. Selon la théorie de la protection de l’industrie naissante de Friedrich List, ils permettent de protéger les industries locales face à la concurrence internationale, notamment celles caractérisées par des économies d’échelle. Johnson (1953), avec sa théorie du tarif optimum, démontre qu’un grand pays peut tirer avantage d’un tarif bien calibré, à condition que le taux de protection soit égal à l’inverse de l’élasticité-prix de l’offre étrangère. Par ailleurs, les tarifs douaniers peuvent contribuer à la réduction des déficits commerciaux — un objectif clé de l’administration Trump.
Cependant, ces mesures ont également des effets négatifs, notamment une baisse du bien-être des consommateurs en raison de la hausse des prix et du rétrécissement du choix disponible. Elles peuvent aussi engendrer des tensions commerciales, freiner la croissance économique et entraîner une mauvaise allocation des ressources. Plus encore, un protectionnisme accru de la part d’une grande puissance comme les États-Unis réduit l’utilité collective à l’échelle mondiale (Bernard, G. & Anne, K., 2006. Économie internationale : commerce et macroéconomie).
Les droits de douane peuvent donc avoir des répercussions variées, tant au niveau national qu’international.
Le président Donald Trump a imposé des tarifs douaniers réciproques à près de 60 pays, allant de 10 % sur la quasi-totalité des importations, jusqu’à 50 % dans certains cas. Le taux de référence devait entrer en vigueur le 5 avril, tandis que les tarifs réciproques étaient prévus pour le 9 avril. Ces mesures représentent la politique tarifaire la plus agressive des États-Unis depuis le XXe siècle. Trump a justifié ces barrières commerciales en affirmant qu’elles apporteraient une plus grande indépendance économique, une réduction de l’inflation et une croissance économique renforcée.
Toutefois, ces nouveaux tarifs sont basés sur les déficits commerciaux bilatéraux, et non sur des barrières tarifaires ou réglementaires réelles. En conséquence, les pays ayant d’importants excédents commerciaux vis-à-vis des États-Unis, comme la Chine, sont particulièrement visés, tandis que ceux dont le commerce est équilibré ou excédentaire en faveur des États-Unis sont soumis à un taux uniforme de 10 %.
Quels sont les enjeux et perspectives de cette mesure pour Haïti ?
L’imposition de ces tarifs n’est pas sans conséquence pour l’économie haïtienne, dont plus de 80 % des exportations sont destinées aux États-Unis. Ces nouveaux droits de douane risquent d’avoir des effets dévastateurs, notamment sur le secteur textile, principal pilier industriel du pays.
Les accords HELP/HOPE, qui avaient pour objectif de stimuler la croissance économique haïtienne en exonérant certains produits de droits de douane sur le marché américain, pourraient perdre leur pertinence. Une réduction de la production des entreprises exportatrices entraînerait des pertes d’emplois, affectant ainsi les revenus des ménages et exacerbant la pauvreté.
Quelle posture devrait adopter Haïti face à cette situation ?
Lorsqu’un pays impose des droits de douane, la réponse classique consiste à appliquer des mesures de rétorsion. Toutefois, cela suppose d’être en position de le faire. Or, Haïti, fortement dépendante des États-Unis pour ses exportations, ne peut se permettre de telles représailles sans risquer d’asphyxier des secteurs économiques vitaux comme la sous-traitance ou le textile. L’approche optimale consisterait à :
- Mettre en place, de manière urgente et provisoire, un fonds destiné à compenser les pertes potentielles engendrées par ces mesures ;
- Diversifier les débouchés commerciaux en développant des partenariats avec de nouveaux marchés ;
- Renforcer les capacités de production nationale pour mieux résister aux chocs externes ;
- Promouvoir l’innovation et soutenir les initiatives locales afin d’augmenter la productivité et la résilience de l’économie haïtienne.
En définitive, l’offensive de Donald Trump via l’instauration des tarifs douaniers constitue un véritable séisme pour l’ordre économique mondial et une attaque frontale contre les défenseurs du libre-échange. Ces mesures redessinent le paysage commercial international, augmentant les incertitudes économiques à l’échelle globale. Imposer soudainement des tarifs à des alliés économiques n’est-il pas une forme d’amateurisme économique ? Quelles seront les répercussions réelles pour les consommateurs américains ?
L’avenir nous le dira. Pour Haïti, en revanche, ces mesures ne font qu’aggraver les défis économiques et fragiliser une économie déjà vulnérable.
Le salut réside dans l’élaboration d’une politique commerciale intelligente, axée sur la résilience, la diversification, le renforcement industriel et l’innovation.
Carly-Marc Wensley ARCHILLE, économiste.