Lettre ouverte à Monsieur Jean Junior Célestin sur la performance de la Douane Haïtienne.Monsieur Jean Junior CélestinLenouvelliste.com


J’ai lu avec attention tous vos articles de presse publiés mensuellement dans les
colonnes du lenouvelliste.com traitant de « la performance remarquable » de l’actuelle
direction de l’AGD uniquement en matière de collecte de recettes douanières.
Je vous invite à être plus prudent dans vos reportages afin d’éviter d’une part de nuire à la
réputation de ce quotidien connu pour son impartialité, son objectivité et d’autre part
d’être une caisse de résonnance des autorités qui manipulent les chiffres des rentrées de
la douane à des fins politiciennes. Votre métier de journaliste exige une certaine rigueur
dans la publication d’informations car il y a une différence entre le journalisme qui vise à
informer le public d’une actualité et la communication qui fait la promotion d’un service,
d’un produit ou d’une personne. Il serait donc judicieux de votre part de consulter d’autre
sources telles que la BRH, la Direction du Budget du MEF qui publient régulièrement les
chiffres des recettes douanières différents de ceux de l’AGD (budget.gouv.ht).
De plus, la performance d’une administration douanière ne se mesure pas
uniquement à l’aune des rentrées collectées ; celles-ci dépendent en grande partie des
facteurs externes à la douane tels que : la forte dépréciation de la gourde haïtienne
(BRH.ht évolution du taux de change), les lois de finances augmentant fortement les taux
de taxation sur certains produits de base importés (mef.gouv.ht : lois de finance et
budget), l’augmentation du prix des produits et du transport sur le marché international
(indexmundi.org, IMF.org, FAO.org, ect), la baisse significative des franchises de faveur
accordées par le MEF après le scandale de l’Eglise Episcopale d’Haïti, le retrait des
subventions douanières sur les importations de pétrole en septembre 2022. A cela il faut
ajouter la capacité de la douane à ne pas recourir aux prix arbitraires et fantaisistes en
appliquant convenablement la nouvelle législation douanière sur la détermination de la
valeur en douane.
L’évaluation de l’efficacité des compétences douanières s’articule autour de 4
dimensions :

  • Facilitation des échanges et compétitivité économique
  • Recouvrement des recettes
  • Lutte contre la fraude
  • Sécurité et protection de la société
    Dans le contexte actuel, la protection du territoire devrait être l’une des principales
    missions de la douane haïtienne.
    La dégradation de la situation sécuritaire résulte en partie du démantèlement des
    brigades douanières de surveillance à la suite des évènements tragiques ayant conduit à lamort de 4 agents douaniers à Malpasse, le 24 novembre 2018 (lenouvelliste.com du 26
    Novembre 2018 par Roberson Alphonse). Au lieu de renforcer ces brigades qui luttaient
    contre la contrebande et d’autres trafics illicites à travers tout le pays, les autorités de
    l’époque, influencées par de puissants politiciens liés au réseau de contrebandiers, ont
    procédé à la démobilisation des dites brigades. (voir rapport annuel de la BRH 2014-2018
    sur la performance douanière et le rôle des brigades de la surveillance douanière).
    L’augmentation des recettes dont on parle tant dans la presse est particulièrement liée
    aux investigations de l’ULCC sous l’administration du DG Romel Bell (2018-2022). Car ce
    n’est qu’en avril 2022 que certains membres du secteur privé des affaires, excédés par les
    pratiques déloyales de la douane au profit de certains manitous du monde des affaires et
    de la politique ont porté plainte auprès de l’ULCC contre la corruption généralisée qui se
    pratiquait au sein de l’AGD depuis 2018 sur le regard passif du Ministère de l’Economie et
    des Finances. La nouvelle administration douanière (Juillet 2022) soutenue au départ par
    l’ex DG Bell et ses alliés du pouvoir d’Ariel, voulant éviter de connaitre le même sort que
    Bell a rompu avec ses anciens maitres et a décidé d’appliquer des techniques de taxation
    exorbitantes et mafieuses, contrairement à la législation en vigueur, en vue de relever le
    niveau des recettes et de négocier des fonds pour continuer à soudoyer les politiciens
    corrompus. Malheureusement, les opérateurs victimes de ses pratiques illégales refusent
    de les dénoncer par crainte de représailles.
    Mr Jean Junior Célestin, peut-on parler de « performance remarquable de la douane
    haïtienne » (lenouvelliste.com du 3 décembre 2024) quand les bureaux de douane de
    Port – au Prince et de la province ne sont pas fonctionnels, laissant libre champ à toutes
    sortes de trafic illégal et permettant ainsi l’approvisionnement des gangs en armes,
    munitions et stupéfiants ?
    Peut-on parler de « performance remarquable » quand les usagers de la douane
    dénoncent régulièrement à travers les médias les pratiques abusives de l’institution
    douanière ?
    Peut-on parler de « performance remarquable » quand les prescrits du nouveau code
    douanier qui prévoit des mesures de simplification des procédures et de facilitation des
    échanges ne sont pas appliqués ?
    Peut-on parler de « performance remarquable » quand les évêques catholiques d’Haïti
    exigent dans leur lettre pastorale le contrôle des douanes et frontières, les ports et
    aéroports privés ou publics pour bloquer le trafic des armes et munitions illégales qui
    rentrent dans le pays. (lenouvelliste.com du 5 décembre 2024 : cri des évêques catholiques d’Haïti.Peut-on parler de « performance remarquable » quand le FMI reconnait que les
    recettes fiscales essentielles à la reconstruction des infrastructures de base après des
    années de troubles sociaux et à la satisfaction d’importants besoins de développement ne
    se rétablissent que lentement ? (lenouvelliste.com du 11 décembre 2024 : le FMI publie
    la conclusion de consultations 2024 avec Haïti).
    Mr Célestin, j’espère que vos prochains articles de presse tiendront compte également
    des rentrées de la DGI qui se doit d’être performante pour répondre à l’instar de la douane
    haïtienne aux exigences de développement d’Haïti.
    Je demeure à votre disposition pour toutes informations supplémentaires et vous informe
    que d’autres correspondances viendront éclairer vos lecteurs sur le rôle fondamental de
    l’institution douanière dans la mise en œuvre de politiques publiques nécessaires à la
    croissance économique et au développement du pays.
    Michelson Nelson.
    Licencié en droit
    Spécialiste en Administration Financière,
    Master 2 en Économie Internationale (Paris1 Panthéon-Sorbonne)
    Email :nelsonmichelson@yahoo.com