Extorsion, dénonciation calomnieuse et diffamation : la nouvelle arme de la guerre contre l’État réel 

Dans l’univers politique haïtien contemporain, une pratique d’un nouveau genre prend de l’ampleur : l’extorsion politique ciblée. Elle ne vise pas l’enrichissement comme la corruption classique, mais l’élimination symbolique ou physique de ceux qui occupent des fonctions-clés dans l’appareil d’État. Directeurs, ministres, coordonnateurs, entrepreneurs liés à l’administration, sont aujourd’hui exposés à des campagnes de menace, de diffamation ou de sabotage, soigneusement orchestrées pour nuire à leur intégrité, leur réputation, ou leur efficacité.

Cette forme d’extorsion n’est pas seulement une transgression morale, elle est plus grave que la corruption, car elle détruit les bases mêmes de la démocratie et du mérite. Elle transforme l’espace politique en champ de guerre où seuls les plus violents, les mieux armés ou les plus manipulateurs survivent, au détriment de la compétence, de la vision et du patriotisme.

Prenons un exemple concret et actuel : le secteur du commerce de « zangi », où une forte rivalité commerciale est instrumentalisée politiquement. Le terme « zangi » se réfère en réalité à un animal aquatique l’anguille pêché dans les eaux haïtiennes et exporté à l’étranger . Le parti Pitit Dessalines, dans ses efforts de structuration de ce secteur, a été la cible d’une campagne d’extorsion déguisée en régulation économique. Des groupes liés à des clans influents ont usé de pression, de désinformation et d’intimidation, accompagnées de dénonciations calomnieuses et de diffamations, pour saboter toute initiative venue des proches du parti. Cette stratégie visait non pas la concurrence loyale, mais la neutralisation pure et simple d’un acteur politique gênant, par des méthodes sournoises.

Dans ce contexte, l’extorsion devient une arme de guerre politique, utilisée non seulement pour gagner du terrain, mais surtout pour faire taire, faire fuir, ou faire tomber ceux qui résistent au système opaque. Elle tue la vérité, déstructure les institutions, et désarme les citoyens honnêtes.

Tandis que la corruption repose sur un échange illicite, l’extorsion repose sur la peur et la destruction. Elle impose le silence, décourage l’engagement, et favorise la fuite des cerveaux. Elle mine l’État de l’intérieur.

Je condamne avec la plus grande fermeté cette dérive anti-démocratique. Il est urgent que les institutions républicaines, la société civile, les partis progressistes, les universitaires, les journalistes, s’emparent de ce débat, le nomment, et agissent. Il ne peut y avoir de redressement national si l’intimidation devient la norme dans la gestion des affaires publiques.

Face à l’extorsion politique, restons debout, constants, et fidèles à l’héritage de Dessalines.

Osma JOSEPH
Professeur, historien et Coordonnateur de l’UEH REVEYE’N