Un texte du professeur Antoine NERILUS
Le déclin progressif du divertissement en Haïti, au cours des six dernières années, a plongé la société haïtienne dans une morosité déstabilisante et dangereuse.
Ce phénomène, qui s’est manifesté par l’effritement des infrastructures culturelles, l’absence croissante d’événements festifs, et la raréfaction des opportunités récréatives, est le reflet d’une crise multidimensionnelle affectant tant le tissu social que la santé mentale de la population. L’effondrement économique, les troubles sociopolitiques et une insécurité galopante, traduite par une ganstérisation à nulle autre pareille, en sont les causes principales, laissant peu de place à l’épanouissement culturel traditionnellement si cher aux Haïtiens et aux Haïtiennes.
D’un point de vue sociétal, le divertissement a longtemps joué un rôle central dans la cohésion sociale en Haïti.
Le carnaval, les fêtes de rue et les festivals artistiques représentaient non seulement des moments de communion, mais aussi des espaces de répit face aux dures réalités quotidiennes. C’était également de grandes et certaines sources de revenus pour divers secteurs de la vie nationale qui, aujourd’hui, pâtissent de l’absence de ces moments euphoriques indispensables à la jouissance de la vraie vie de chez nous.
Aujourd’hui, l’absence de ces moments de liesse fragilise le lien social, augmentant ainsi le sentiment d’isolement au sein des communautés.
L’anxiété et la dépression, déjà en progression, sont exacerbées par cette carence de défoulement collectif, accentuant les troubles de santé mentale.
En parallèle, les jeunes, privés de moyens sains de distraction, se tournent parfois vers des comportements autodestructeurs ou risquent de tomber dans les griffes de la délinquance.
Sur le plan culturel, Haïti, nation riche en traditions artistiques, voit son patrimoine s’éroder. La musique, le théâtre et la danse, les clubs de lecture, jadis vecteurs de résistance et d’expression identitaire, peinent à trouver un écho faute de soutien financier et institutionnel. L’État s’efface, étonnamment, sur ces estrades.
Ce dépérissement contribue à l’appauvrissement d’une identité nationale en souffrance, incapable de se régénérer par la créativité et le divertissement.
En conclusion, le manque de divertissement en Haïti dépasse la simple absence de loisirs ; il est le miroir d’une déstructuration profonde du pays, affectant à la fois la santé mentale, la cohésion sociale et la préservation culturelle.
Professeur Antoine NERILUS, politologue, journaliste et spécialiste en gouvernance de l’État. .